Des travaux récents décrivent la trajectoire de croissance de l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon depuis la fin de l’exploitation industrielle de la morue en 1992 (Le Floc’h et Wilson, 2017; Le Floc’h et Wilson, 2018). L’analyse du territoire de Saint-Pierre et Miquelon, territoire français en Atlantique Nord Ouest, pose la question des trajectoires de croissance, de leurs points de rupture et des changements. On entend par trajectoire l’identification des sources de la croissance socio-économique à l’échelle territoriale et des directions suivies ou subies par les acteurs du territoire. Les travaux publiés indiquent que des trajectoires de croissance économique endogènes sont possibles en recherchant des effets croisés entre le secteur de la pêche et celui du tourisme (Le Floc’h, Wilson, Nassiri, 2017). C’est la problématique du projet ATLANTILES, avec l’implication de deux institutions de l’archipel, l’Organisation Professionnelle des Artisans Pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon (OPAP SPM) et la Chambre de Commerce (CACIMA).
CONTEXTE
La trajectoire des petites économies insulaires, fortement dépendantes de l’exploitation des ressources naturelles renouvelables comme la pêche, est suspendue au soutien public d’un État souverain à la suite d’un effondrement du stock de ressources. L’histoire des pêcheries dans les pays à haut revenu, en Amérique du Nord et en Europe principalement, démontre le caractère permanent du soutien des États aux communautés en crise (Urquhart et al., 2014; Schrank et al., 2003). Les possibilités de reconversion des populations insulaires se trouvent généralement dans les secteurs du tourisme, les activités de support logistiques ou l’exploitation d’autres ressources naturelles, notamment énergétiques (UNCTAD, 2014). Ce projet de recherche porte sur les petites économies insulaires dépendantes de l’industrie d’exploitation des ressources halieutiques, soumises à une rupture de leur trajectoire économique et sociale après un effondrement du stock de ressources. Le cas retenu est celui de l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon en cherchant les effets de complémentarité entre le secteur de la pêche artisanale et celui du tourisme. La production issue d’une pêche artisanale est souvent un vecteur d’attractivité du territoire, sous réserve d’une gestion durable des pêcheries et de voies de valorisation des productions qui en sont extraites. De façon concomitante, le secteur du tourisme est un débouché potentiel pour les produits locaux, y compris les produits de la mer, à condition d’adapter les modes de conservation et de définir une stratégie de commercialisation ciblée sur une clientèle touristique. Les acteurs locaux se posent des questions quant aux stratégies à mettre en œuvre pour tirer profit de ces complémentarités en vue de favoriser le développement local.
OBJECTIFS DU PROJET
Le projet collaboratif ATLANTILES porte sur les trajectoires de croissance nourries par la pêche professionnelle et le secteur du tourisme. La pêche artisanale a été un point d’appui à la pêche industrielle à Saint-Pierre et Miquelon. La composante artisanale comprenait 40 navires en 1983 et moins d’une vingtaine dès 2010. Eynaud (1986) analyse le déclin de l’activité artisanale en la rapprochant de la pêche industrielle. Le lancement de chalutiers industriels au plus fort de l’activité morutière dans les années 1980 puisait dans le vivier local pour compléter les équipages. La pêche artisanale ne peut donc pas rivaliser avec les tonnages de la pêche industrielle. La valorisation de la production de la dizaine d’unités artisanales offre opérationnelles aujourd’hui offre cependant une opportunité de croissance. Couplée au développement du tourisme, les deux activités présentent des atouts sérieux pour une trajectoire de croissance localisée.
Le programme est articulé autour de trois volets de recherche (VR). Le premier volet (VR1) décrit l’état des lieux de la pêche et du tourisme à partir d’une base de données archivée sur des supports numérisés par le porteur du projet. Les premiers mois du projet seront dédiés à l’actualisation de cette base de données. Le second volet de recherche (VR2) est orienté sur les conditions de valorisation des ressources territoriales. Le support choisi est la réalisation d’un documentaire audio-visuel. Les éléments mis en valeur s’appuient sur la base de données actualisée au VR1 augmentée d’informations collectées par voie d’enquête. Deux stages de master 2, le premier orienté sur la pêche artisanale (en particulier la pêcherie de homard) et le second sur les attentes et perceptions de la clientèle touristique, sont prévus avec un encadrement par un ingénieur d’étude situé sur l’archipel. Des scénarii de trajectoire de croissance endogène seront construits dans le troisième volet de recherche (VR3). Une analyse parallèle des deux secteurs doit déboucher sur une évaluation du potentiel de croissance, par la production issue de la pêche artisanale sous des formes variées de valorisation et l’évaluation du potentiel touristique (tourisme des navires de croisière, par avion ou navettes maritimes). Les partenaires locaux, OPAP et CACIMA, sont associés à chaque volet de recherche, de la collecte d’information à la rédaction des questionnaires d’enquête sur les deux stages, puis à l’élaboration des scénarii sur les trajectoires de croissance. Un résultat attendu est la recherche de synergies entre les deux activités. Les trajectoires de croissance se nourrissent des effets économiques produits par une activité motrice et complétés par des effets induits.